Nouvelle étude sur le forçage génétique:
des scientifiques du monde entier exhortent à la plus grande prudence

Berne/Berlin, 21 mai 2019

Le forçage génétique doit être abordé avec la plus grande prudence, c’est la conclusion à laquelle des scientifiques de renommée internationale sont parvenus à la suite d’une nouvelle étude approfondie qui sera publiée et présentée à Berne le 24 mai prochain. Cette étude montre qu’à l’heure actuelle cette technologie en plein essor n’est pas encore apte à être mise en œuvre du fait des incertitudes majeures qui l’entourent, tant sur le plan scientifique, technique que pratique, et du fait des restrictions sévères concernant son fonctionnement.

La plupart des gènes issus des forçages génétiques sont destinées à être disséminés dans la nature, et leur impact sur les écosystèmes est inconnu, potentiellement irréversible et ne peut certainement pas être circonscrit à l’intérieur de frontières nationales. « Les règles actuelles en matière de biosécurité sont déficientes et pas suffisamment aptes à faire face aux risques soulevés par le forçage génétique » déclare Lim Li Ching, experte en réglementation internationale et co-auteure de l’étude. Cette étude recommande de ne pas relâcher d’organismes génétiquement forcés (OGF) tant qu’il n’existe pas de réglementation internationale effective juridiquement contraignante, ni de véritable mobilisation de la part de la société civile. « La population doit être impliquée dès le départ dans le choix des problèmes spécifiques à aborder, et dans le choix des priorités, avant que le forçage génétique n’apparaisse a priori comme solution à privilégier », ajoute Tamara Lebrecht, coordinatrice du projet et co-auteure de l’étude.

Plutôt que de partir du principe que le forçage génétique sera la solution miracle contre les espèces envahissantes ou à la propagation de maladies telles que le paludisme, il convient de mettre en balance toutes les solutions potentielles disponibles et les différentes voies de développement. Bien souvent, des solutions alternatives existent déjà ou sont sur le point d’être trouvées, mais la volonté politique et/ou les fonds nécessaires à leur développement et à leur mise en œuvre font cruellement défaut. C’est l’intérêt général qui doit gouverner le développement du forçage génétique, et non pas les intérêts privés. De plus, il faut également mettre en garde l’opinion publique contre le recours au forçage génétique à des fins nuisibles ou militaires.

Il s’agit là des principales conclusions de l’étude publiée par trois organisations scientifiques indépendantes: Critical Scientists Switzerland (CSS), European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility (ENSSER) et Vereinigung Deutscher Wissenschaftler (VDW). Des experts en sciences de la vie, en environnement, en agronomie, en philosophie et en droit ont rassemblé les connaissances actuelles en sciences, applications, aspects sociaux, éthiques et juridiques au sujet du forçage génétique.

CRISPR/Cas, la nouvelle méthode de génie génétique a spécialement rendu possible la mise en œuvre du forçage génétique dans de périodes de temps très cours. Les OGF pourront donc rapidement propager leurs gènes modifiés parmi les populations sauvages en imposant leur propre propagation à tous leurs descendants et en contournant les lois de l’hérédité biologique. Des exemples d’application du forçage génétique sont les moustiques vecteurs du paludisme, modifiés afin de n’engendrer que des mâles, ce qui mènerait à leur extinction, les rats envahissants qui sont également modifiées en vue de leur extinction, des souris modifiées pour empêcher que les tiques porteuses de la maladie de Lyme peuvent la propager à l’Homme, ou encore, des herbes modifiées pour éliminer leur résistance aux herbicides. Cependant, l’étude montre que de nombreux aspects invoqués au sujet du forçage génétique ne sont pas réalistes et comportent un haut degré d’incertitude et d’imprévisibilité scientifiques. « Bien que cette technologie n’existe encore qu’en laboratoire, les médias et nombre de publications scientifiques se font déjà l’écho de promesses fabuleuses incarnées par le forçage génétique, surpassant même les espérances de la société civile et des bailleurs de fonds », confie Tamara Lebrecht.